LA COLLECTION PHOTOGRAPHIQUE DU FONDS ARDOUIN

Présentation et notices rédigées par Bertrand Chevillard

Henri et Hélène Ardouin -Fonds Ardouin, collection Famille Chevillard, 104 Z 117

Henri Ardouin (1850-1922), né à Ménigoute (79), épousa en 1876 Hélène Foucart (1853-1937), fille d’un médecin de Oiron (79) et s’installa comme avoué plaidant à Bressuire. Après un séjour chez leur oncle Pierre Joguet, avoué au 6, rue de la Vergne, le couple acheta ou fit construire peu après leur mariage la maison de la rue Boussi (à l’époque, rue Duguesclin), où se trouvait également l’étude de Maître Ardouin.

Henri Ardouin fut maire de Bressuire de 1898 à 1901, et conseiller général. Ancien soldat de la guerre de 1870-71, il soutint le projet de l’édification du monument aux morts qui fut construit place Carnot (aujourd’hui place des Anciens Combattants) sur les plans de l’architecte Raymond Barbaud. Président du Comité des Anciens combattants, il prononça un discours lors de l’inauguration du monument le 25 octobre 1903, en présence du général André, ministre de la Guerre.

Henri et Hélène Ardouin eurent deux enfants. L’aînée, Nelly (1877-1913), épousa le docteur Léopold Métayer, originaire de Moncoutant. Le couple eut deux enfants : Michel (1900-1966), qui devint prêtre et curé de La Ronde (17), et Alain (1906-1975), qui devint médecin et fut maire de Bressuire de 1960 à son décès. Son mandat fut marqué par une profonde modernisation de la ville.

En juillet 2020, 310 photographies sur plaques de verre au gélatino-bromure d’argent ont été retrouvées à Bressuire dans un placard d’une maison de la rue Boussi. Elles y dormaient discrètement dans un carton depuis plus de 100 ans. Elles sont parvenues jusqu’à nous presque intactes, avec des images généralement préservées. La grande majorité d’entre elles ne sont pas datées mais on peut estimer qu’elles ont été prises entre 1880 et 1914, dans la période de la « Belle Epoque » qui précède la Grande Guerre.

La maison dans laquelle elles ont été trouvées appartenait à la famille Ardouin-Métayer depuis la fin du XIXe siècle, et passa dans la famille de Raoul et Geneviève Benoist en 1958, puis dans celle de Maurice et Odile Chevillard vingt ans après.

Le frère de Nelly s’appelait Paul (1878-1941). Après des études de droit à Poitiers, il fut juge suppléant à Ancenis (1907) puis à Parthenay (1911) et devint avocat. Il partagea sa vie entre la maison de Bressuire et le « château » de Chiché, autre propriété de la famille Ardouin. Juriste, Paul était également passionné par la littérature et les arts. Il publia de nombreux poèmes dans la Revue littéraire et artistique, éditée à Paris, puis deux recueils, Les Lambeaux de mon rêve (éditions Georges Clouzot, Niort, 1921) et Le Thyrse fleuri (éditions de la Revue Littéraire et Artistique, Paris, 1931).
Sa poésie est dominée par un sentiment de la nature riche en symboles, dans la lignée de Paul Verlaine, de François Copée ou Jean Moréas, qui furent ses modèles. Il entretint des relations amicales avec d’autres écrivains de son époque, dont l’avocat et poète Francis Eon et le philosophe Camille Mélinand, avec qui il eut une correspondance régulière.
Paul Ardouin notait ses poèmes dans des carnets. Selon le témoignage de l’imprimeur Henri Dureau, qui était son voisin, il les lisait ensuite à voix haute. Lorsqu’il était enfant, dans les années 1930, M. Dureau l’entendait régulièrement déclamer ses poèmes dans son jardin, depuis la rue de la Cure Saint-Jean.

Les plus anciennes photographies datent des premières années de mariage du couple Ardouin, qui avait dû faire l’acquisition d’un appareil pour enregistrer ces moments fondateurs de leur foyer. Il est cependant probable que Paul ait repris le flambeau et soit l’auteur de la grande majorité des photographies retrouvées. On y perçoit en effet la même sensibilité artistique que dans ses poèmes : le goût du pittoresque et de la composition (utilisation de draps, de costumes, d’accessoires), l’attrait pour des scènes de genre qui témoignent de la vie familiale et sociale, et pour des paysages nimbés d’une lumière impressionniste. Si la plupart des clichés mettent en scène les loisirs et divertissements de la famille Ardouin et de leurs amis, représentants de la bourgeoisie des Deux-Sèvres, certains enregistrent des évènements de la vie locale : sorties d’école ou de messe, foire sur la place Saint-Jacques, marché aux bestiaux, communions, travaux des champs, scènes rurales, qui constituent un très intéressant témoignage ethnographique sur la vie dans le bocage bressuirais à l’aube du XXe siècle.

Au niveau géographique, les photographies ne se limitent pas à la seule commune de Bressuire. On note également des clichés pris à Moncoutant, Chiché, Chanteloup, Argentonnay, Oiron (commune natale d’Hélène Foucart), Ménigoute (commune natale d’Henri Ardouin), Niort et Poitiers (lieux d’étude de la famille), Royan et Les Sables d’Olonne (lieux de villégiature), mais également à Paris (construction du Sacré-Coeur, cathédrale Notre-Dame et tour Saint-Jacques, jardin d’acclimatation). Certaines photographies ont été prises à Andrinople et Constantinople (actuelle Turquie), région     où s’installa l’ingénieur Émile Foucart, beau-frère des Ardouin, pour diriger une manufacture de céramique.

Paul Ardouin (1878-1941) - Collection B. CHEVILLARD
Collection B. CHEVILLARD

La famille de Monsieur et Madame Maurice et Marie-Odile Chevillard, propriétaire de ces photographies et consciente de leur valeur pour l’histoire locale, a fait don de l’ensemble de ces plaques au service des Archives Municipales de Bressuire. Après un nettoyage dans un atelier de restauration deux-sèvrien, le moment est venu de les partager au public.

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