Cette rubrique regroupe des prises de vue montrant la vie champêtre dans les Deux- Sèvres à la Belle Époque (1880-1914). Cette représentation des campagnes françaises émane de citadins et de propriétaires terriens, et s’accompagne d’une évidente idéalisation. Elle donne de la vie rurale l’image d’un lieu protégé, synonyme d’innocence, de bonheur et de paix. Paul Ardouin, probable auteur de plusieurs photographies, oppose ainsi classiquement ville et campagne dans son poème « Ménigoute », commune d’origine de la famille Ardouin : « Vous qu’un triste souci obsède, Citadins,/Amis, venez goûter tous les bonheurs certains/Loin du bruit, dans la paix profonde des campagnes./ Fuyez la foule inepte, ô vous que l’ennui gagne,/Vous que l’indifférence opprime, c’est ici/ Que la vérité règne au cœur du juste et, si/Vous soufrez, c’est ici le petit coin de France/ Le plus délicieux pour guérir la souffrance ». Nous sommes bien loin de la représentation naturaliste que le romancier Ernest Pérochon, à la même époque, donne de la destinée dramatique des paysans pauvres du bocage dans ses « Creux-de-maison ».
Merci à Nicole et Stéphane Darmani, responsables des collections du musée de la Vie rurale et de la coiffe à Souvigné (79) pour leur interprétation érudite de certaines photographies.
Groupe de femmes portant des coiffes. Lieu non identifié. Commentaire des responsables des collections du Musée de la vie rurale et de la coiffe à Souvigné : « La mode portée par ces jeunes femmes, avec ces robes à manches très volumineuses type gigot, est typique du milieu des années 1890. C’est une mode très citadine, alors que les coiffes sont un marqueur social du monde rural. Ce cliché est donc une composition faite par le photographe qui a demandé à ces jeunes femmes de mettre des coiffes. Pour preuve, leur coiffure n’est pas adaptée voire brouillonne ; elles devraient avoir les cheveux plaqués, tirés avec la raie au milieu. A cette époque, un regain d’intérêt pour ces éléments de costumes commençant à disparaître a poussé quelques photographes à composer des vues souvent pour des cartes postales ; elles présentent des coiffes avec souvent un défaut de véracité, les tenues étant souvent anachroniques par rapport aux coiffes. Sur cette photo, il s’agit de coiffes portées sur une zone étendue allant de la Vendée à la Vienne : coiffe de Montaigu, bonnets des Herbiers, de Mortagne-sur-Sèvre et de Cholet, bonnet rond de Bressuire, câline de Thouars, bonnet tourangeau. »
Deux femmes, peut-être une mère et sa fille, posent dans un jardin. Lieu non identifié. On remarque des arbres fruitiers en espalier sur le mur de gauche, et au fond, la présence d’un poulailler. Commentaire des responsables des collections du Musée de la vie rurale et de la coiffe à Souvigné : « La femme assise porte un bonnet ruché, avec des pans noirs, qui marquent le deuil. L’adolescente semble également porter un bonnet ; les pans semblent noués sous le menton, cela ne semble pas être une cravate ».
Lieu non identifié. Garçon posant près d’un rocher. Il s’agit sans doute de Paul Ardouin (1878-1941). Ce type de chaos granitique pourrait évoquer la Gâtine poitevine (site de la vallée de la Sèvre Nantaise, site de la Garrelière, ou encore site de la vallée de la Vonne et de l’étang de Bois-Pouvreau) où le futur avocat passa de fréquents séjours dans sa famille paternelle. « Je suis venu en pieux pèlerinage », écrit-il dans son poème
« Ménigoute », /« retrouver le pays qu’a connu mon jeune âge,/ Ménigoute qui rit au chaud soleil d’été,/ Nimbé, sur son coteau d’un rayon de gaité./ La Vosne dans ses prés, paresseuse s’épanche/ Et couvre les rochers de son écume blanche ».
Un repas champêtre, lieu non identifié. Sont assis autour de la table, de gauche à droite : Pierre Jabouille (1875-1947), qui occupa des fonctions importantes dans l’administration coloniale en Indochine et, à la fin de sa carrière, en devint le gouverneur. Il fut un ornithologue réputé ; Hélène Foucart épouse Ardouin (1853-1937); Gustave Joguet (1830-1914), conseiller à la Cour d’appel de Poitiers, peut-être son épouse Sophie Saucerotte (1838-1912); Henri Ardouin (1850-1922), avoué et maire de Bressuire de 1898 à 1901. Deux jeunes filles, debout, assurent le service.
Lieu non identifié, peut-être dans la région de Oiron, commune d’origine de la famille Foucart. Chasseurs dans une voiture hippomobile. On reconnaît, de gauche à droite, Pierre Jabouille (1875-1947), futur ornithologue et gouverneur de l’Indochine, Gustave Joguet (1830-1914), conseiller à la Cour d’appel de Poitiers, Henri Ardouin (1850-1922), avoué et maire de Bressuire de 1898 à 1901, tenant les rênes, Paul Ardouin (1878-1941), avocat et poète, et René Bouju (1883-1973), qui sera vétérinaire à Chiché.
Un étang. Lieu non identifié. L’image peut être associée à certains poèmes lyriques de Paul Ardouin (1878-1941), notamment « Forêts » : « Près de l’étang j’égarerai ma rêverie, /Je conduirai mes pas par la sente fleurie/De bruyères et d’ajoncs. /Et l’heure sera douce à cette flânerie/Comme jase une source, en sa pente fleurie/Sur la mousse et les joncs ».
Une rivière. Lieu non identifié. L’image peut être associée à certains poèmes lyriques de Paul Ardouin (1878-1941) comme « le grand jardin » : « J’ai cueilli des genêts la belle gerbe d’or, /Et la blanche Anthémis et les bleuets encor/Auprès du Ruisseau qui s’épanche ».
Lieu non identifié. Barque sur un cours d’eau.
Bressuire, village des Fougeries, ancien moulin, entre Puy-rond et la Chaize avant 1900. Le poète et avocat Paul Ardouin (né en 1878) avec son canotier.
Une ferme des Deux-Sèvres, lieu non identifié. Commentaire des responsables des collections du Musée de la vie rurale et de la coiffe à Souvigné : « tous sont de sortie pour la photo : truie, cochons, veaux, oies, et membres de la ferme, et sans doute une citadine en visite (femme avec chapeau et manches gigot). On voit deux femmes en coiffe : au premier plan, sans doute une vieille mothaise (forme plus ancienne) et au fond à côté de la citadine, une femme en bonnet dont les pans volent au vent. »
Paysan posant dans un pré à côté d’une vache et de son veau. Le lieu n’est pas identifié. Paul Ardouin écrit dans son poème « les Huit portes » : « L’étable ! Ah, les voici ! Rustaud – Cadet – Ministre -/ Sergent-major – l’un roux, l’autre blanc, l’autre bistre,/ Des Manceaux, des Salers, des Parthenaisiens,/ Ils ruminent, tirant dans l’ombre leurs liens./ Une odeur âcre monte et vous prend à la gorge,/ Mais le foin, le béthel, la betterave et l’orge,/ Dissimulent un peu, et, le pis bien gonflé/ De la vache, bonne nourrice, sent le lait!/ On se sent plus puissant d’aspirer sa mamelle!/ Et la fécondité de la terre où se mêle/ tant de souffles divers, tant de parfums des prés ».
Une vache dans un pré. Le lieu n’est pas identifié. Paul Ardouin écrit dans « les Huit portes » : « Pénétrons maintenant au royaume du lait,/ Qu’on soit à la bavette ou bien au bavolet,/ Aux premiers ans du charme, ou dans l’âge où l’on aime,/ On chérit le bon lait recouvert de sa crème !/ Quand sous les doigts pressant la mamelle, il emplit/ La lourde jatte, enfants, à votre front pâli,/ Oh, petits citadins que fâne l’existence,/ Anges exténués qui semblez en partance/ pour un monde meilleur où l’on est moins cruel,/ À votre front si pâle, il rend l’essentiel,/ La santé, la couleur et la force et la vie! »
Lieu non identifié. Cette scène de fenaison illustre les profondes transformations qui traversent le monde agricole à la fin du 19ème siècle. Tandis qu’une faucheuse mécanique tirée par deux chevaux coupe le foin, les nombreux faneurs disséminés dans le champ le retournent manuellement à l’aide de leur fourches. Paul Ardouin donne une image idyllique de la fenaison dans « les Huit portes » : « Dans un ordre immuable et que rien ne dérange/ Voici tout notre foin dont le parfum puissant/ Nous régénère et de vertu fait notre sang !/Le couper, quel Bonheur dans un soleil de fête !/Sa saveur dans le soir grise plus d’une tête!/Et, quand on le rapporte au pas lourd des essieux,/ Chantant, riant, quel Beau triomphe sous les cieux!/ C’est un culte très Saint, ma grange est une église,/ On élève le tas et chacun l’égalise ! »